Différents types de sépulture ou différentes étapes d'une même séquence funéraire ? Un exemple démonstratif de chaîne opératoire mortuaire chez les anciens Marquisiens
Different types of burial or different steps in the same funerary sequence? An illustrative example of a mortuary Chaîne Opératoire found among ancient Marquesans
CNRS, UMR 7206 éco-anthropologie et ethnobiologie, Musée de l'Homme, 17 place du Trocadéro, F-75116 Paris, France
* e-mail : psellier@mnhn.fr
Reçu :
3
Janvier
2016
Accepté :
22
Janvier
2016
Le site funéraire de Manihina (île de Ua Huka, archipel des Marquises, Polynésie française) a permis de mettre au jour une quarantaine de sépultures d'un ensemble funéraire daté des environs du 15e siècle de notre ère, largement avant l'arrivée des premiers Européens. Les méthodes classiques de l'archéo-anthropologie permettent de mettre en évidence des types très différents de sépulture (dont certains trouvent un parallèle dans les récits ethno-historiques plus tardifs des premiers voyageurs). Dans ce petit ensemble, on peut distinguer des sépultures primaires de plusieurs genres (en pleine terre ou dans des contenants) mais aussi des cas de momification préalable à l'inhumation ainsi que des interventions plus complexes qui, après la réouverture de la tombe, aboutissent à des reprises d'ossement(s), à des regroupements, à des déplacements (type « sépulture secondaire ») et même, dans un cas, à la production et surtout la mise-en-scène d'un « crâne-trophée », ce qui semble renvoyer à un processus « d'ancestralisation » du défunt. Ces différentes pratiques funéraires sont interprétées ici non pas comme des types différents de « sépulture finale » mais comme les étapes successives du long processus d'une chaîne opératoire funéraire particulièrement complexe.
Abstract
The excavation of the funerary site of Manihina (Ua Huka Island, Marquesas Archipelago, French Polynesia) has brought some forty burials to light, dating to the middle of the 15th century AD (long before the island was discovered by European seafarers). Using standard archaeo-anthropological analyses, a wide variety of ways of disposing of the dead was identified within this small burial ground (some of which have parallels in the later ethno-historical accounts of the first travellers): primary burials of different kinds (directly into the ground or with evidence of the use of a wooden container), but also cases of mummification prior to interment, a few more complex interventions that involved reopening the grave to remove skeletonised parts, add another corpse or rebury dislocated remains (referred to by archaeologists as “secondary burials”), and one exceptional case in which the skull of an individual is arranged and displayed as a “trophy-skull”, which could reflect a process of “ancestralising” the dead. All these various practices are interpreted not as different kinds of “final burial” but as successive steps in a lengthy burial process that illustrates a single and particularly complex mortuary chaîne opératoire.
Mots clés : Polynésie / Îles Marquises / Chaîne opératoire funéraire / Sépulture / Crâne-trophée / Archéologie de la mort
Key words: Polynesia / Marquesas Archipelago / Funerary chaîne opératoire / Burial / Trophy-skull / Archaeology of death
© Lavoisier SAS 2016